Vous avez déjà entendu parler du « cheesecake », ce dessert soyeux à base de fromage, de sucre et de biscuits émiettés ? Ou du « carrot cake », ce gâteau moelleux recouvert d’un glaçage au fromage frais ? Ces gâteaux emblématiques ne sont pas nés d’un hasard. Ils illustrent la diversité et l’esprit d’inventivité typiquement américains quand il s’agit de satisfaire leurs becs sucrés. Mais connaissons-nous vraiment leurs secrets ? À travers ces douceurs, c’est toute l’histoire d’immigrants, d’innovations et de traditions revisitées qui se raconte sur la table, de génération en génération.

Un tour d’horizon des gâteaux traditionnels américains

Quand on pense à un gâteau traditionnel américain, le premier qui vient à l’esprit, c’est sans doute le cheesecake new-yorkais. Sa texture dense, son goût légèrement acidulé, et sa croûte croustillante en font un incontournable. Pourtant, le cheesecake plonge ses racines dans l’Antiquité grecque, avant d’arriver aux États-Unis par les migrants venus d’Europe de l’Est au XIXe siècle. Les Américains ont su le réinventer en remplaçant le traditionnel fromage frais par du cream cheese, breveté à New York en 1872. Aujourd’hui, impossible d’imaginer un menu de diner sans cette spécialité. Autre star des goûters d’outre-Atlantique, le carrot cake, à base de carottes râpées et d’épices, a lui aussi une histoire étonnante. Les colons britanniques avaient déjà pris l’habitude d’ajouter des légumes à leurs desserts pour ajouter du moelleux, mais ce sont les Américains qui en ont fait un classique du brunch et des fêtes d’anniversaire dès les années 1960.

Impossible de ne pas citer le pound cake, littéralement « gâteau de livre », car sa recette traditionnelle utilise une livre de beurre, une livre de sucre, une livre de farine et une livre d’œufs. Importé par les colons britanniques, le pound cake est aujourd’hui encore servi dans les cuisines du Sud des États-Unis lors des grandes fêtes familiales, car il se conserve longtemps et avec peu d’ingrédients. D’autres gâteaux ont aussi conquis la scène nationale. Le red velvet cake, célèbre pour son rouge vif obtenu à coup de colorant alimentaire et de cacao, symbolise les grands mariages et la Saint-Valentin. Il est pourtant né d’une opération marketing dans les années 1920 par la compagnie Adams Extract pour vendre plus de colorants. Enfin, le Boston cream pie, sorte de gâteau fourré à la crème et recouvert de chocolat, occupe une place de choix parmi les desserts officiels : il est même le dessert officiel de l’état du Massachusetts depuis 1996.

Pour vous donner une idée de leur popularité, voici un petit aperçu dans ce tableau réalisé d’après les ventes annuelles dans les grandes chaînes de boulangeries américaines :

Gâteau Ventes annuelles (en millions de dollars) État le plus consommateur
Cheesecake 420 New York
Carrot cake 300 Californie
Pound cake 210 Géorgie
Red velvet cake 180 Texas
Boston cream pie 105 Massachusetts

Ce n’est pas tout. Il ne faut pas oublier le banana bread, souvent préparé pour recycler les bananes trop mûres et omniprésent pendant la pandémie en 2020, le coffee cake à l’odeur de cannelle typique du petit-déjeuner, ou le hummingbird cake, originaire d’Amérique du Sud mais largement adopté par les Américains, avec son mélange de banane, ananas et noix de pécan.

Les secrets derrière la réussite des recettes américaines

Ce qui frappe tout amateur de pâtisserie américaine, c’est la simplicité des ingrédients mais aussi l’ingéniosité de leur utilisation. Prenons le gâteau au fromage new-yorkais : les Américains insistent sur l’importance de laisser reposer tous les ingrédients à température ambiante avant de commencer. Le mélange doit rester aérien, sans bulles, pour garder le fameux côté « ultra crémeux ». Même chose pour le carrot cake : râper finement les carottes, ajouter une touche de cannelle et de noix de muscade, et ne pas lésiner sur la quantité de noix de pécan ou de noix pour la texture. Astuce personnelle : ajouter un peu de jus d’orange à la pâte donne un goût légèrement fruité irrésistible.

Quant au pound cake, réussir sa cuisson, c’est tout un art. La règle d’or : ne jamais ouvrir le four pendant la première moitié de la cuisson, pour éviter que le gâteau ne retombe. Certains chefs américains conseillent aussi de beurrer et fariner le moule avec minutie, et de verser la pâte en alternant deux cuillères, pour un aspect marbré. Si vous êtes tenté par le red velvet cake, sachez que le secret de sa réussite tient à l’ajout d’un filet de vinaigre blanc et de lait fermenté (buttermilk) dans la pâte : la réaction avec la poudre de cacao donne une texture veloutée et cette couleur sombre qui contraste avec le glaçage blanc. Pour bien monter ce glaçage, on préconise d’utiliser du cheese cream type Philadelphia, fouetté avec du beurre mou et du sucre glace jusqu’à obtenir un ruban lisse, ni trop liquide ni trop compact.

Dans les réunions familiales américaines, c’est souvent autour d’un gâteau que l’on se retrouve pour souffler les bougies ou annoncer une grande nouvelle. Les recettes se transmettent parfois sur de petits papiers bien pliés, de la grand-mère à la petite-fille. La magie, c’est qu’à chaque fois, on réinvente un peu le classique : certains rajoutent des pépites de chocolat, d’autres troquent les noix contre des amandes, et chacun a sa petite astuce pour personnaliser ces gâteaux populaires. Il existe même des compétitions de « bake-offs » où chacun défend sa version du carrot cake ou du pound cake local. Un point d’honneur est souvent mis à utiliser des produits régionaux : le miel de Géorgie, les noix de pécan du Sud, ou la fameuse vanille de Madagascar importée pour le cheesecake. Même les formes varient : si le cheesecake se cuit parfois en portion individuelle, les carrot cakes se présentent de plus en plus sous forme de cupcakes en boulangerie.

Une autre anecdote : dans le Sud, le hummingbird cake, avec ses fruits exotiques et son glaçage au fromage, a remporté un record de ventes en 1978 après la parution de la recette dans le magazine Southern Living : près de 1 million de gâteaux vendus dans l’année. Les Américains aiment aussi revisiter leurs classiques en fonction des fêtes, comme Halloween (pound cake à la citrouille), Thanksgiving (cheesecake à la patate douce), ou Noël (carrot cake avec fruits confits). C’est cette capacité à s’adapter et à surprendre qui fait que la pâtisserie américaine est restée vivante et populaire depuis des générations.

Le gâteau traditionnel américain dans la culture populaire

Le gâteau traditionnel américain dans la culture populaire

Si on regarde un film hollywoodien, il y a toujours ce moment où quelqu’un apporte un gros gâteau à étage, souvent pour marquer un événement marquant, une naissance, un mariage, ou même une rupture ! Les séries télé comme « Friends » ou « The Big Bang Theory » multiplient les scènes où les personnages dégustent une part de cheesecake en discutant de la vie, preuve que ces desserts sont aussi ancrés dans l’imaginaire collectif que les hamburgers ou la tarte à la citrouille. Mais au-delà de la télé, c’est dans les concours de pâtisserie comme « The Great American Baking Show » qu’on réalise à quel point ces gâteaux sont source de fierté régionale. Chaque État, chaque ville a sa variation, son secret, et même sa rivalité.

La dimension communautaire est énorme. À New York, des institutions comme Junior’s vendent plusieurs milliers de parts de cheesecake par jour depuis plus de 70 ans, tandis qu’à Boston, la Parker House Hotel conserve jalousement la recette originelle du Boston cream pie. Dans le Sud, impossible de faire une fête sans pound cake maison, généralement préparé pour des voisins venus aider lors d’un déménagement ou d’un barbecue improvisé. Cette tradition se retrouve aussi dans la tendance actuelle de l’« american potluck » : chaque invité amène un gâteau, les recettes sont partagées et chacun repart avec des saveurs nouvelles, parfois inattendues.

Mais les changements de société se voient jusque dans l’assiette : la mode du « gluten free », la chasse au sucre raffiné ou les alternatives végétaliennes ont aussi fait muter ces classiques. Par exemple, de plus en plus de boulangeries proposent du cheesecake sans gluten, du carrot cake vegan, ou du red velvet cake sans colorants artificiels (remplacés par de la betterave ou des fraises). Ce qui compte avant tout, c’est la convivialité, la tradition du « comfort food », et la possibilité d’exprimer sa créativité sans limite. Instagram regorge de photos alléchantes, où chaque chef amateur tente d’épater la galerie avec des glaçages ultra-brillants ou des décorations florales dignes d’un mariage princier. Certains vont jusqu’à créer des versions miniatures, à servir avec le café ou offrir à la rentrée des classes. L’imagination autour du gâteau américain ne semble jamais tarir, et c’est sûrement ce qui fait son succès depuis deux siècles.

Comment préparer le parfait gâteau traditionnel américain chez soi ?

Démarrer dans la préparation d’un dessert typiquement américain, c’est d’abord poser la bonne question : que vais-je célébrer, et avec qui ? Car chaque gâteau a son histoire, et une occasion qui lui va bien. Si vous débutez, le pound cake reste le choix idéal : peu d’ingrédients, zéro difficulté technique, une réussite presque assurée. Besoin d’une touche sophistiquée ? Lancez-vous dans un cheesecake new-yorkais, mais gardez en tête quelques règles de base : un moule à charnière bien beurré, une cuisson douce au bain-marie, et patience pour le laisser refroidir sans le démouler avant trois heures.

Voici les étapes clés pour réussir un cheesecake maison :

  • Préparez la base avec 250 g de biscuits Graham crackers mixés et 100 g de beurre fondu. Tapissez le fond du moule avec ce mélange, tassez bien puis réservez au frais.
  • Mélangez 600 g de cream cheese ramolli avec 150 g de sucre, puis ajoutez 3 œufs, un par un, et 200 g de crème fraîche épaisse. Parfumez avec de la vanille.
  • Versez sur la croûte, tapotez le moule pour enlever les bulles d’air, puis cuisez 1 h à 160 °C au bain-marie. Laissez refroidir doucement dans le four éteint, puis réfrigérez au moins trois heures.
  • Servez avec un coulis de fruits rouges ou une compotée de myrtilles.

Pour le carrot cake, retenez : mieux vaut ne pas trop travailler la pâte, sous peine d’obtenir un gâteau dense. Ajoutez toujours un zeste d’orange râpé, mais aussi des noix concassées, pour une texture authentique. Pour le glaçage, battez 200 g de cheese cream avec 80 g de beurre mou, 80 g de sucre glace, et une pointe de vanille jusqu’à obtenir une consistance épaisse, mais tartinable.

Fan de red velvet cake ? Mélangez toujours le cacao au colorant humide pour éviter les taches dans la pâte. Incorporez le lait fermenté progressivement, jamais d’un coup. Et ne lésinez ni sur la quantité de glaçage, ni sur la déco, car ce gâteau vise autant le goût que le spectaculaire. Enfin, pensez à personnaliser : un peu de zeste de citron dans votre cheesecakes, du gingembre frais dans le carrot cake, une ou deux bananes bien mûres pour un banana bread moelleux…

Si le temps manque, lancez-vous dans le coffee cake, à la cannelle et au sucre brun. Idéal pour le petit-déjeuner, et prêt en 45 minutes. Pour créer l’ambiance typique des diners américains, servez votre gâteau avec du café filtre ou un grand mug de thé glacé. Un petit conseil pour surprendre vos invités : parsemez d’éclats de noix de pécan grillées, ajoutez un filet de caramel salé, ou osez quelques fruits rouges frais pour la touche finale. La pâtisserie américaine, c’est surtout une invitation à décliner les saveurs selon vos envies et l’arrivage du marché.

Qui sait ? Peut-être qu’en testant, rattrapant, ajustant les recettes, vous créerez le prochain gâteau légendaire du quartier. Après tout, c’est de cette manière que sont nés les grands classiques américains, au gré des essais, des traditions familiales, et, surtout, du partage autour de la table.